Changer de métier : quels risques?

Laure Martin • mis à jour le
DOSSIER : Réussir sa mobilité dans la fonction publique

Changer de métier, tout quitter pour tout recommencer. Pourquoi pas ? A condition de bien évaluer les risques.

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[Mise à jour : 1/06/2020] Changer de métier, se reconvertir, tout quitter pour tout recommencer. Cela fait peur... Même si c’est tentant. D’après un sondage Opinion Way sur l’opinion et les attitudes des employeurs face aux reconversions professionnelles, 70% des chefs d’entreprise ont déjà reçu des candidats en reconversion et 62 % ont déjà recruté des personnes en reconversion. Et 51 % des chefs d’entreprise ont vu des salariés quitter leur entreprise pour se reconvertir.

Retrouver un emploi - Selon ce sondage, parmi les motifs évoqués par les candidats reconvertis, 72 % relèvent d’une logique « défensive », notamment retrouver un emploi ou sortir d’un secteur sinistré, 65 % de l’amélioration de la qualité de vie, et 44 % de celle du statut professionnel (perspectives d’évolution, catégorie professionnelle, rémunération, etc.).

A noter

Les reconvertis ont la cote auprès des recruteurs

75 % des chefs d’entreprise qui ont reçu ou engagé des candidats reconvertis considèrent que la reconversion constitue davantage un atout qu’un inconvénient dans un processus de recrutement. D’ailleurs, 86 % des répondants ayant fait confiance à des personnes en reconversion sont satisfaits de la plupart de ces recrutements, et 77 % d’entre eux estiment que les projets de reconversion volontaires méritent d’être tentés.

Choisir sa reconversion plutôt que subir - Les chefs d’entreprise interrogés s’accordent pour dire que la genèse du projet est importante dans le succès de la démarche : une reconversion choisie est plus souvent réussie (82 % contre 49 %) que si elle est subie. Or 53 % des répondants estiment que la reconversion est subie. « Les vraies reconversions professionnelles volontaires sont assez rares, témoigne Raymond Soubie, président des sociétés de conseil en ressources humaines, Alixio et Taddeo, et ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Selon lui, les reconversions les plus réussies sont celles de salariés ayant un projet qu'ils ont transformé en entreprise.

Mieux vécu si le départ est volontaire - « Rencontrer des salariés en reconversion constitue la réalité quotidienne des directeurs des RH (DRH), souligne Jean-Christophe Sciberras, l'ancien président de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Les départs en reconversion sont mieux vécus s’ils sont volontaires, mais de nombreuses transitions volontaires sont en fait un sas vers la retraite. Cependant, d’après lui, le système français est marqué par le paradigme du modèle de l’emploi à vie, du CDI.


"La perspective de se retrouver sur le marché du travail fait peur. Beaucoup de salariés ont en tête les difficultés qu’ils ont rencontrées pour accéder au CDI et n’ont donc pas envie de se retrouver sur le marché du travail."
Jean-Christophe Sciberras, ancien président de l'Association nationale des DRH

Par ailleurs, « Beaucoup ressentent leur  reconversion comme une forme de déclassement, souligne Jean Pralong, psychologue, professeur à l' Ecole de management de Normandie depuis 2018. "Le parcours traditionnel d’il y a vingt ans, aujourd’hui marginal, reste dans l'esprit des salariés." Cela expliquerait pourquoi de nombreux salariés veulent se reconvertir, ont l’opportunité de le faire, mais ne sautent pas le pas : « Beaucoup de salariés ne se dirigent vers une mobilité externe que si la mobilité interne n’a pas fonctionné. »

Cinq étapes décisives

Se reconvertir est une décision lourde de sens et de conséquences. Catherine Négroni, sociologue, maître de conférences à l’université de Lille 3, a mené une étude sur 55 salariés en reconversion professionnelle. Selon elle, tous ceux qui veulent se reconvertir passent par 5 étapes.

1 -  La vocation contrée, avec l’idée que « le métier que nous exerçons n’est pas celui pour lequel nous sommes fait et qui justifie la reconversion », a expliqué Catherine Négroni.

2 - Le désengagement : l’organisation du travail, la situation professionnelle, le vécu des salariés au travail, participent de la prise de décision de la reconversion.

3 - La latence au cours de laquelle se pose la question de la poursuite de la démarche, du renoncement notamment parce que le projet peut être coûteux.

4 - La bifurcation, avec la prise de décision qui est actée, souvent à la suite d’un élément déclencheur, d’une rencontre.

5 - Le réengagement dans un nouvel emploi.

"Ces 5 étapes montrent que changer d’emploi, ce n’est pas rien, même si la démarche est volontaire, souligne la sociologue. Il faut effectuer un travail sur soi, se prendre en main, en charge, pour mener ce projet à bien."

Et dans la fonction publique ? Celui ou celle qui a un projet de reconversion professionnelle peut le faire par de nombreuses voies, sans forcément quitter la fonction publique. Cela s'appelle la mobilité, objet de ce dossier.  Mais, de fait, la mobilité des agents publics -qui vivent aussi ces 5 étapes- sont réticents à bouger, pour des raisons qu'ils partagent avec les salariés du privé.

Reconversion : de nombreux obstacles

Les chefs d’entreprise interrogés par Opinion Way identifient de nombreux freins à la reconversion.

  • Certains sont liés à la personne même du candidat :  pour 56 % des répondants, se reconvertir après 50 ans est plus risqué, par exemple.
  • Le déroulement de la reconversion: complexité administrative, manque d’information sur les possibilités de reconversion, d'outils à disposition ou de fonds en soutien aux reconversions.
  • La perte des avantages acquis et la précarité liée à la période d’essai.

S'orienter vers un nouveau métier : la formation en question

Le dispositif français censé permettre une reconversion professionnelle présente des lacunes. « Nous avons fait réaliser une enquête Ipsos, observe Yves Barou, président de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Il en ressort que ce qui inquiète les salariés, avant de s’engager dans une reconversion, bien avant le budget, c’est de ne pas être aidés pour l’orientation et la difficulté de la formation. »

Selon lui, le système de formation n'est pas adapté. « En cas de crise et de mutation, il faut faire davantage de formation qualifiante et moins de formation d’accompagnement, souligne-t-il. Ce n’est pas le cas en France. »

Deuxième problème, moins visible : « Les régions ne parviennent plus à porter les formations, constate Yves Barou. Tout a été régionalisé et l'on a cassé la possibilité de formations nationales, notamment industrielles. »

Enfin, « celui qui a un projet de reconversion doit se présenter devant des commissions pour le faire valider, regrette-t-il, on ne lui fait pas confiance. C’est comme si d’autres personnes savaient mieux que lui ce qui est bien pour lui. Or, ce qu’il faut, c’est l’aider sur l’orientation et la formation. Pour la suite, il est adulte et  saura se prendre en charge».

Réforme en vue

  • Ce sera la troisième en dix ans. Après de longues négociations, les partenaires sociaux sont parvenus à un projet d'accord interprofessionnel sur une réforme de la formation professionnelle le 14 décembre 2013. Ce texte fera l'objet d'un projet de loi présenté en conseil des ministres le 22 janvier 2014. L'objectif : que les demandeurs d'emploi et les salariés les moins qualifiés en profitent davantage. La pierre angulaire du projet d'accord est le compte personnel de formation, "un outil majeur pour le droit à la formation", selon le ministère du Travail.

Sécuriser le parcours pour réduire la peur de la reconversion

La sécurisation du parcours professionnel  est essentielle pour réduire la peur de la reconversion. « Il y a des choses intéressantes en France, comme la rupture conventionnelle, remarque Jean-Christophe Sciberras. Cet outil a répondu à une préoccupation : Je tente le saut et j’ai une garantie vis-à-vis du chômage. Du point de vue de quelqu’un qui veut changer de métier, c’est positif ! »

En 2014, 333 600 ruptures conventionnelles ont été signées, un nouveau record qui montre le succès rencontré par ce dispositif qui n'existe que dans le secteur privé. Selon les données du ministère du Travail, ce nombre a augmenté de 6% par rapport à l'année précédente. Et ce, malgré la nouvelle convention d'assurance-chômage qui porte le délai de carence pour les salariés quittant leur emploi avec un chèque de départ à 180 jours (75 jours auparavant).

Idem pour le maintien des droits, en termes de prévoyance et de frais de santé complémentaire. « Cela aide à la transition », considère-t-il. « Si l'on veut accompagner les mobilités de manière efficace, cela impose une plus grande individualisation, selon Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi. A Pôle Emploi, nous devons faire en sorte de consacrer plus de temps au diagnostic de la personne. Mais les modalités d’accompagnement posent la question des effectifs. »

Il est envisagé de renforcer la compétence des conseillers Pôle Emploi. Mais, « si nous voulons que leur marge de manœuvre soient utilisées, ajoute Jean Bassères, il faut mettre à leur disposition des outils afin qu’ils puissent poser le bon diagnostic". Il faut qu’ils aient une réflexion ?orientation/formation? et pas uniquement ?recherche d’emploi?. Cela nécessite donc une individualisation du parcours, une montée en connaissances et une aide à la mobilité géographique. »

Le repositionnement de carrière est un art

Il faut se lancer. Un ouvrage "changer de vie professionnelle" aux éditions Eyrolles paru en 2016 nous donne des clés en expliquant "la recherche d'emploi s'apprend de la même façon qu'un métier, mais cet exercice doit tout d'abord commencer par une démarche d'analyse personnelle." L'idéal : des règles de suivi de carrière qui doivent devenir des réflexes. Le repositionnement de carrière est un art !

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