Devenir taxidermiste dans la fonction publique, comme Daniel

Séverine Cattiaux
DOSSIER : Travailler dans l'environnement et l'énergie

Taxidermiste, c'est un métier précieux pour la mémoire des hommes, puisqu’il s’agit de conserver une trace de la faune. Un métier exigeant aussi qui combine connaissances scientifiques et talent artistique. Daniel Guyart l'exerce depuis trente-six ans à la ville de Grenoble, avec la même passion. Témoignage.

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Biologie, zoologie, anatomie  - Le cœur de son métier : "préparer" des animaux, les naturaliser. Quand on imagine un peu le tableau…, on ressent un léger dégoût. Mais le malaise se dissipe vite, après quelques instants passés dans l’atelier de Daniel Guyart. Il faut dire que cet atelier est bien rangé : aucun couteau sanguinolent ne traîne, pas d’odeur qui pique le nez…

Ensuite, on comprend vite que l’on a affaire à un artiste, doublé d’un fin connaisseur du monde animal. Les compétences de Daniel se situent à la croisée de la biologie, de la zoologie, de l’anatomie et des arts plastiques… Côté biologie, il doit connaître parfaitement l’animal qu’il va naturaliser.

Il faut être doué en dessin - "Si j’ai un animal exotique à naturaliser, explique-t-il, dont j’ignore l’anatomie, il va falloir que je comprenne son fonctionnement pour pouvoir le reproduire [comment il se déplace, ses proportions, etc.]. Les animaux ont toujours la même mécanique, mais avec des différentes très sensibles […] Par exemple, un lion ou un chat ont les pattes avant très fortes, parce qu’ils s’en servent pour chasser. Par contre, une antilope a très peu de muscles sur les pattes, car l’essentiel du 'moteur' se situe plus haut, et les pattes sont très légères pour lui permettre de fuir les prédateurs."

Côté arts plastiques, Daniel Guyart est servi. Il doit être plutôt doué en dessin, soudure pour l’armature métallique, sculpture (sur laquelle va reposer la peau de l’animal), en chimie avec le traitement de la peau (tannage), en peinture, et avoir le sens de la mise en scène de l’animal.

C’est un métier où l’on travaille constamment avec des produits dangereux, "mais, précise-t-il, cela fait fort longtemps que les plus toxiques ont été retirés de mon atelier".

En vitrine ou en réserve - "Tous les animaux morts que je naturalise sont arrivés ici de manière complètement légale", rappelle-t-il. "J’ai naturalisé environ 1 millier d’animaux pour le muséum". Ce qui représente, au "minimum, 60%" des animaux du musée.

Deux destinations pour ses animaux naturalisés : les vitrines de l’exposition permanente du muséum ou la réserve, où ils sont conservés, parce qu’ils sont en voie de disparition et/ou pour les besoins de scientifiques. Dans cette réserve : 400 espèces de mammifères, avec 10 à 15 spécimens, voire plus pour certaines espèces, et 6 000 espèces d’oiseaux…. "C’est beaucoup moins que le nombre d’espèces de plantes (1 million de planches d’herbiers) et d’insectes !" souligne-t-il. La réserve est rarement ouverte au public, car sensible aux variations de température et proie de prédilection pour une multitude de petites bêtes voraces.

Un métier solitaire - Sa journée type débute à 8 heures. Pause déjeuner. Reprise à 13 h30 puis boulot jusqu'à 17 heures. C’est la théorie, car l’exécution de certaines tâches l’amène à rester parfois jusqu’à 20 heures dans son atelier. Son travail est plutôt solitaire, sauf quand il doit se faire aider.
Par exemple, pour  reconstituer un bison d’Europe : "Une course contre la montre. Et il faut être deux, car la peau dépliée, c’est une tente marabout […] La peau mouillée [on la pose mouillée]pèse 40 kg. Il faut ajuster le vêtement [la peau] sur un mastic recouvrant la sculpture, reconstituer les plis au fur et à mesure… » A deux, cette naturalisation a nécessité 160 heures, tout compris. "Une personne seule mettrait beaucoup plus de temps.»

Entretiens des collections - Outre la naturalisation d’environ 100 animaux par an (les années fastes), le taxidermiste de Grenoble assure la surveillance et l’entretien des collections, la lutte contre les nécrophages susceptibles de les endommager. Il apporte aussi sa contribution à la présentation des expositions temporaires. Par exemple, pour l’exposition "Un animal dans la ville", il a naturalisé un loup, il a "préparé" plusieurs oiseaux, en a nettoyé d’autres, et a participé à la mise en scène globale. Du reste, son activité dépend beaucoup de la politique du conservateur du musée. "Avec l’ancien conservateur, l’accent était porté sur la conception d’expositions temporaires, avec des naturalisations… ». Avec la nouvelle conservatrice, il participe désormais à des programmes d’animation auprès des enfants, des scolaires, collégiens, des associations de quartier, des enseignants notamment.

Ce qui est très important est de mémoriser l’anatomie. Or pour ça, rien de tel que de dessiner un loup à crinière.

Quelle formation ? - Il n’existe pas d’école de taxidermiste. Seul un CAP d’artisan taxidermiste est proposé par le Syndicat des naturalistes taxidermistes de France. Or, un taxidermiste de musée ne travaille pas comme un artisan à son compte. Le taxidermiste de musée conçoit une sculpture singulière pour chaque animal, alors que l’artisan "se contente" d’utiliser des mannequins. Autre différence : le taxidermiste de musée ne reproduit que des animaux entiers.

Daniel Guyart a appris les finesses de son métier avec son prédécesseur, mais plus encore en pratiquant. C’est l’expérience qui lui a permis d’affiner ses techniques et de perfectionner sa méthode. Illustration : "Je me suis rendu compte que connaître les mensurations précises d’un animal n’est pas essentiel. Ce qui est très important est de mémoriser l’anatomie. Or pour mémoriser, rien de tel que de dessiner un loup à crinière. On est obligé de chercher la relation entre l’œil et la base de l’oreille, entre la tête et la longueur du cou… »

Il rencontre aussi assez souvent ses homologues, qui ne sont que 6… en France. Ils se transmettent leurs "combines", leurs connaissances sur les nouveaux matériaux, résines…

Mon seul regret  : j'aurais aimé naturaliser plus de serpents et de poissons…

Il était technicien forestier ! - Son premier métier : technicien forestier. En passant par Grenoble, par hasard, après une période de chômage d’un an et une formation à l’université de Montpellier aux techniques du naturalisme (au GNUM, groupe naturaliste de l’université Montpellier2 ), Daniel Guyart répond à une offre d'emploi. C'est ainsi qu'il entre au muséum sans concours, comme "préparateur".

"Aujourd’hui, pour prétendre à un poste de taxidermiste dans un musée, il faut avoir réussi le concours d’assistant de conservation du patrimoine, accessible en théorie niveau bac, en réalité à bac + 5". L’ironie étant que ce concours ne comporte aucune épreuve de taxidermie.

Pour prétendre à un poste de taxidermiste dans un musée, il faut avoir réussi le concours d’assistant de conservation du patrimoine.

Pour évoluer, Daniel Guyart a réussi le concours national d’attaché de conservation en 2004, 1er grade de cadre A. Mais  il n’a pas été promu depuis. Il gagne 2 000 euros nets. Il prendra probablement sa retraite en juin 2014.

"Mon seul regret : j'aurais aimé naturaliser plus de serpents et de poissons…" Alors, une place à prendre à Grenoble ? Hélas, la collectivité n’a pas prévu de successeur...

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